11 février 2018

Avesta Khabour, tombée au champ d'honneur

Avesta Khabour


PORTRAIT - Cette jeune femme de 20 ans combattait aux côtés des troupes kurdes du Rojava (le Kurdistan syrien) après avoir participé à la libération de Raqqa, ancien fief de l'État islamique. Elle a été tuée par l'armée turque qui a lancé une offensive contre l'enclave d'Afrin.

Elle s'appelait Avesta Khabour. Elle avait 20 ans. Et vous ne la connaissiez sans doute pas. Comme des milliers de jeunes femmes kurdes syriennes, Avesta s'était engagée corps et âme dans la lutte contre Daech. Depuis deux ans, elle participait, aux côtés des forces de la coalition, à libérer ces territoires sous l'emprise de l'Etat islamique. Elle participa, notamment, à la libération de la capitale de l'organisation islamique, Raqqa, dont la bataille dura près d'un an. Avesta Khabour, comme l'ensemble des combattantes et des combattants kurdes syriens, fut l'alliée indéfectible de l'Occident et de la France dans la lutte contre le terrorisme. Il y a deux semaines, Avesta Khabour a été tuée au combat. Et ce n'est pas sous les coups d'un ennemi radicalisé que la jeune femme est morte, mais face à une colonne de chars de l'armée turque qui, soutenue par l'Armée syrienne libre (ASL, une milice proturque affiliée à al-Qaida mais considérée comme «modérée» par une partie de la presse internationale), franchissait la frontière et s'engageait dans l'enclave kurde d'Afrin, au nord-ouest de la Syrie, l'un des trois cantonsdu Rojava (Kurdistan syrien). Une offensive terrestre et aérienne commencée le 20 janvier dernier et qui, à l'heure où nous bouclons nos pages, a coûté la vie à plus de 300 soldats et civils kurdes - et 600 militaires et miliciens turcs. Avesta Khabour est morte en guerrière au nom de cette liberté qu'elle chérissait tant.


La double faute de l'Occident

«Nous ne reculerons pas, nous irons à Afrin», a déclaré devant les caméras de télévision le président Erdogan - affirmant donc la volonté d'une opération militaire que le gouvernement de Damas, quant à lui, n'hésite pas à qualifier d'«invasion». Cette incursion dans l'enclave d'Afrin fait suite à la volonté des Etats-Unis, à la mi-janvier, de créer une nouvelle force frontalière de 30.000 hommes avec les Forces démocratiques syriennes (FDS, composées très largement de combattants kurdes) au niveau de la frontière avec la Turquie. Jugeant «inacceptable» et «inquiétante» cette décision, Recep Tayyip Erdogan a rapidement répondu par cette opération ironiquement baptisée «Rameau d'olivier» par Ankara. «Cette force frontalière devait former une barrière infranchissable d'une importance stratégique pour la sécurité de l'Europe et de la France», explique Patrice Franceschi, écrivain et collaborateur du Figaro Magazine engagé depuis cinq ans auprès des Kurdes de Syrie. «Et il y a, dans ce silence assourdissant des pays occidentaux, une faute morale et politique.»


Politique car il en retourne, indirectement, de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité de la France. Morale car, pour l'instant, Emmanuel Macron n'a fait qu'interpeller son homologue turc le mettant en garde des risques d'une «invasion de la Syrie». «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose un problème réel», a déclaré le chef de l'Etat dans une interview donnée au Figaro. Une réaction en demi-teinte et ambiguë sur l'emploi du terme «potentiel terroriste»: car si le PKK (le Parti des travailleurs kurdes) implanté en Turquie est effectivement considéré comme un groupe terroriste par les tats-Unis et l'Europe, les forces des YPG (Unités de protection du peuple) ont, quant à elles, été une pièce maîtresse de la victoire contre Daech. «On est en train d'abandonner nos alliés, poursuit Patrice Franceschi. Les jeunes filles comme Avesta Khabour se sont battues à nos côtés. Elles luttent pour la laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes. En laissant faire, nous les trahissons.» Dans le Rojava, un cimetière militaire vient d'être baptisé Avesta Khabour, pour commémorer ce que ses frères et ses sœurs des YPG considèrent comme un acte de bravoure.

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